édité par: Edouard Lebeau
Le Cloud Computing, une (r)évolution
«Pas un nuage, pas un souffle, rien qui plisse Ou ride cet Azur implacablement lisse » (Paul Verlaine, « Jadis et naguère », Allégorie , 1884)
Le Cloud Computing, c'est cet « informatique dans les nuages ». Mais plus qu’une nouvelle forme de stockage, le Cloud « [plisse] l’Azur implacablement lisse » avec les performances presque révolutionnaires qu’il offre. Il repose sur une tendance de fond sur le marché de l'informatique et des télécommunications et un nouveau modèle de gestion et de consommation de l'informatique pour les organisations. Plus une évolution qu'une innovation technologique, le concept du Cloud Computing n'est pas vraiment innovateur puisqu'il fut introduit par John McCarthy dès 1961 sous la forme d'un « système informatique disponible comme outil public ». Le Cloud Computing repose alors sur des technologies de réseau existant depuis longtemps.
L'apogée d'Internet, l'amélioration de débit des réseaux, de puissance des serveurs lui ont simplement permis de se développer.
Il faut savoir que le débit des réseaux est essentiel au Cloud Computing puisqu'il assure la continuité des services.
Les premiers sites web de services de Cloud Computing, Google et salesforce.com, ont été lancés dès 1999.

John McCarthy est né le 4 septembre 1927, à Boston. Il est le pionnier de l'intelligence artificielle avec Marvin Minsky. À la fin des années 1950, il a créé avec Fernando Cobarto la technique du temps partagé. Cette technique permet à plusieurs usagers d'utiliser simultanément un même ordinateur. En 1958 il invente également le langage de programmation Lisp. Il quitte la MIT (Massachusetts Institute of Technology) en 1962 pour créer le laboratoire d'intelligence artificielle de l'Université Stanford et mourra le 24 Octobre 2011.
Une révolution économique pour les organisations. Au-delà de l'opportunité de stockage en ligne, le Cloud Computing offre aux organisations l'opportunité d'une part, d'externaliser leur informatique (accéder à des services informatiques en ligne sans avoir à gérer d'infrastructures en interne) et d'autre part, d’utiliser à la demande et payer à l'usage (adapter en permanence leur consommation informatique à leur activité). Le Cloud Computing peut alors être comparé à la location de longue durée répandue dans le secteur automobile. Cela signifie qu’il n’y a plus de rabais à subir ni d'entretiens à gérer. L'organisation qui loue au lieu d'acheter un véhicule se décharge de toutes les contraintes liées à l'exploitation de celui-ci.
Le Cloud Computing permet aussi aux organisations de se recentrer sur leur métier et ainsi de répondre aux problématiques d'efficacité et de mobilité en donnant accès aux informations et services en tous lieux. Le développement du Cloud Computing a été favorisé par le contexte économique de crise mais aussi par le fait qu'il permet d'éviter de lourds investissements. L'intérêt du Cloud Computing est surtout économique.
Notamment pour les très petites entreprises, cela permet de lancer un service sans aucun investissement capitalistique en matériel informatique. Ainsi pratiquement plus aucune start-up du logiciel n'investit dans du matériel lourd aujourd'hui. Le deuxième avantage, c'est de pouvoir bénéficier d'économies d'échelle (plus un produit est fabriqué plus son coût unitaire est moindre) qui ont une répercussion économique. Par exemple, les ressources informatiques qui ne sont pas utilisées par les entreprises françaises la nuit, le sont par des entreprises à l'autre bout de la planète. C'est un peu comme une usine qui tournerait 24 heures sur 24, et dont les ressources sont partagées. Cela permet à des entreprises comme les e-commerçants, qui ont un pic de charges plus important à Noël que pour le reste de l'année, d'avoir les ressources nécessaires pendant ce pic sans investir dans des capacités qu'elles n'utiliseraient plus vraiment par la suite. C'est comme ça que le e-commerce Amazon s'est lancé dans les services de Cloud Computing au départ. D’énormes capacités avaient été investies d’où la volonté de les amortir.
Un Cloud comparable à la révolution industrielle
Les chercheurs Simon Wardley et Scott Stewart ont montré que l'ampleur du phénomène Cloud Computing est comparable à la révolution industrielle des années 1750, en trois points.
D'abord, le Cloud se caractérise par la production et la centralisation des infrastructures informatiques mais il reste accessible de partout comme des consommables (comparable à un fluide). Le concept s'apparente ainsi à la centralisation des manufactures au XVIIIème siècle avec une production mécanisée afin de minimiser les coûts de l'objet fini. La révolution industrielle a aussi été portée par des facteurs technologiques (tels que les containers dans le transport maritime) et socio-économiques.


L'apparition de la machine-outil et de la mécanisation a permis de fabriquer les usines et de produire en masse. De son côté, la révolution Cloud est portée par quatre technologies :
- Les progrès en termes de calcul parallèle, c'est-à-dire la capacité à répartir des calculs sur plusieurs machines simultanément, qui découlent des avancées en matière de calculs hautes performances dans la recherche. Mais elle découle aussi des progrès amenés par le Web marchand, qui doit traiter un très grand nombre de transactions, comme nous l’avons montré avec Amazon qui a été l’un des premiers à proposer une offre de Cloud.
- La banalisation de la virtualisation est une technique consistant à faire fonctionner sur une seule machine physique plusieurs environnements logiciels, isolés les uns des autres. On pourrait comparer cette technologie à l'apparition des containers dans le transport maritime : on passe d'un chargement plus ou moins anarchique, reposant sur l'empilement de contenants hétérogènes, à un chargement organisé sur la base de standards.
- L'avènement des processeurs multi-cœurs. En regroupant sur une même puce plusieurs unités de calculs couramment, entre 8 et 12 aujourd'hui, les concepteurs de composants électroniques fournissent la puissance permettant au Cloud de se déployer.



La forte augmentation des débits permet la centralisation des ordinateurs. Si on continue l'analogie, ce réseau informatique est de la même importance que les voies ferrées lors de l'âge industriel (époque victorienne).
Cependant, l'analogie soulève aussi des questions économiques et sociales. Au XIXe siècle, l'émergence d'une forte demande, portée par une population qui ne demandait qu’à consommer, a fait décoller l'âge industriel.
De nos jours, différents facteurs rendent le Cloud Computing attractif. Tout d'abord, les entreprises, qui disposent d’un budget mal maitrisé et peu prévisible, exercent une pression colossale afin de réduire leurs dépenses informatiques. Depuis plusieurs années, les DSI (Directeurs des Systèmes d'Information) n'apparaissent pas adaptés en raison de leurs technologies mal finalisées, difficiles à faire progresser et à stabiliser. Les entreprises cherchent donc à se libérer de leurs « data centers » (centres de calcul) pour transformer ces dépenses en d'autres investissements. D'ailleurs, la crise actuelle que subissent les crédits ne fait que renforcer cette volonté.
Une machine de stockage coûte plus cher lorsqu'elle est exploitée en interne que si on utilise le Cloud. Comme les services informatiques des entreprises peinent à créer des machines suffisamment chargées, on dépasse rarement les 30 % d'utilisation. De plus, les besoins des entreprises ne sont pas continus dans le temps, ce qui les oblige à faire leurs infrastructures en besoin de leurs pics de charge. Dans cette situation, la solution la plus viable du point de vue économique est de conserver une structure en interne et d’y ajouter la possibilité d’utiliser le Cloud pour supporter les pics de charge. Il existe donc, dans les entreprises, un besoin de conditionner des environnements différents. Ce besoin est renforcé par la nature des offres mises en place par le Cloud, offres qui sont spécifiques et peu ouvertes vers l'extérieur. En effet, même si les grands data centers pour le Cloud Computing sont apparus et se sont développés aux Etats-Unis, il existe encore des places à prendre dans cette nouvelle révolution industrielle pour d'autres technologies telle que la réalité virtuelle.